L’industrie de l’eau et des boissons gazeuses aborde une ère de défis

David Marquenie, Secrétaire général de FIEB, a déclaré : « Le marché reste stable, mais est redessiné en même temps.

Triplement des accises depuis 2015, discussion sur la consigne sur les emballages et sur la réduction des sucres ajoutés… Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’industrie des boissons non alcoolisées se trouve devant des défis de taille. Nous avons approché David Marquenie de la fédération sectorielle FIEB pour nous dresser le tableau.

L’impact de l’augmentation des droits d’accises

Cette année, le gouvernement n’a pas imposé une nouvelle augmentation des droits d’accise. Quel est l’effet du triplement des accises depuis le 1er janvier 2015 ?

David Marquenie, secrétaire général de FIEB, l’association sectorielle de l’industrie belge de l’eau et des boissons fraîches :  » Pour le gouvernement, une augmentation des accises est une méthode relativement facile d’augmenter ces recettes. Aujourd’hui, suite à l’expérience dans le secteur des boissons alcoolisées il se rend compte qu’il ne peut pas utiliser ce levier indéfiniment. Les droits d’accise élevés ont réduit les ventes à tel point que les recettes provenant de ces taxes ont diminué. Aujourd’hui, cette limite d’augmentation, à partir de laquelle elle induit un effet néfaste est également quasi atteinte pour les boissons non alcoolisées. Chaque fois que les droits d’accise augmentent, les achats frontaliers prennent un envol entrainant des pertes de recettes pour le gouvernement en conséquence. Lorsque le consommateur achète ses boissons sucrées à l’étranger, le motif de santé perd d’emblée sa pertinence. Nous avons, en vain, lors d’augmentations antérieures des droits d’accise, attiré l’attention du gouvernement sur cette question. Et pourtant, les précédents ne manquent pas. Afin d’échapper à ce qu’on appelle la taxe sur la graisse, il y eut un mouvement massif de la population danoise pour faire ses courses dans l’Allemagne voisine. L’effet final de la taxe sur l’économie et la santé était donc nul, après quoi le gouvernement a rapidement aboli la taxe.

Comment le producteur fait-il face aux augmentations des droits d’accise ?

« La question est, bien sûr, de savoir ce qu’il faut faire de cette augmentation. Le distributeur la transfère-t-il ou s’attend-il à ce que le producteur la déduise de ses marges ? Il est également difficile d’augmenter les prix des boissons gazeuses dans les distributeurs automatiques d’un ou deux cents chaque fois. Cela n’arrive généralement qu’à partir de cinq cents. En conséquence, le producteur constate une pression sur sa marge bénéficiaire à défaut de confrontation du consommateur à une hausse significative des prix. Dans son troisième rapport trimestriel de 2018, l’Observatoire des prix du gouvernement fédéral a calculé que l’inflation pour la catégorie  » eaux minérales, boissons rafraîchissantes et jus de fruits  » due aux impôts indirects était de 2,7%, au lieu de 1,0% sans impôts indirects. Pour les limonades, on aboutit à 6,2% contre 2,3%. La forte augmentation des droits d’accises entraîne donc une hausse de l’inflation et a donc un impact négatif sur le pouvoir d’achat. Cela ne peut pas être l’objectif du gouvernement.

Récompenser au lieu de taxer

L’année dernière, le gouvernement néerlandais a envisagé de rendre les boissons sans sucre moins chères au lieu d’augmenter les droits d’accises sur les boissons sucrées. Une piste intéressante ?

« Rien ne prouve clairement que les taxes sur les boissons gazeuses contribuent à une société plus saine. C’est d’ailleurs difficile en Belgique, car ici, notre gouvernement ne fait pas de distinction entre les boissons avec et sans sucre pour ses droits d’accises. Au Royaume-Uni et en France, par contre, la teneur en sucre détermine le niveau de la taxe sur le sucre. Le gouvernement récompense donc indirectement les producteurs qui se sont engagés à réduire la consommation de sucre. On pourrait dire que l’État de ces pays s’efforce, du point de vue de la santé, de percevoir le moins possible la taxe sur le sucre. En Belgique, l’augmentation des impôts contribue à financer le tax shift. Les recettes sont budgétisées, ce qui soulève la question évidente de savoir où se situent les véritables priorités de ce que l’on appelle la  » taxe santé « .

Le gouvernement considère-t-il le secteur trop rapidement comme croque-mitaine ?

« Le secteur des boissons gazeuses est une catégorie hautement symbolique. En pratique, les choses sont moins simples. Les pays scandinaves ont introduit une taxe sur le sucre il y a plusieurs décennies. Cela n’empêche pas la population finlandaise de compter un pourcentage élevé de personnes obèses. Le lien entre l’IMC et l’activité corporelle est clair. C’est ce que démontre, par exemple, le projet européen ENERGY.

La réduction du sucre comme leitmotiv

Le secteur a dépassé les objectifs qu’il s’était fixé dans le cadre du Pacte alimentaire équilibré et vise à nouveau à utiliser 5 % de sucre ajouté en moins d’ici 2020. Comment l’industrie espère-t-elle y parvenir ?

« Le secteur vise une réduction de 10 % du sucre entre 2012 et 2020. Cet engagement devrait réduire la teneur moyenne en sucre ajouté de 25 % entre 2000 et 2020. Les intentions du Pacte alimentaire équilibré s’inscrivent donc dans cette logique. L’accent dans cette approche reste le même : une reformulation des produits existants, la stimulation des variétés sans sucre et à faible teneur en sucre, y compris par une commercialisation ciblée et l’introduction de nouveaux produits qui s’inscrivent dans cette optique. La plupart des marques offrent déjà une alternative avec peu ou pas de sucre ajouté. La question se pose alors de savoir si la conversion à un produit moins sucré dans le produit d’origine est toujours pertinente. Après tout, les consommateurs peuvent également opter simplement pour la variante sans sucre. Une autre tendance importante est celle des petits formats, destinés aux personnes qui veulent profiter du goût d’une boisson sucrée sans se sentir coupables.

Chez nous, la consommation de boissons rafraîchissantes reste pratiquement stable. Une bonne chose ?

« La proportion de boissons sucrées classiques a légèrement diminué, en faveur de celles qui contiennent peu ou pas de sucre. La proportion de boissons légères et sans alcool augmente chaque année et tombe à 32 % en 2017. Cela nécessite une gamme de produits plus étendue et favorise l’innovation dans le secteur. Cela se vérifie également au supermarché dans le rayon des eaux et des boissons gazeuses, avec comme exemple typique les eaux aromatisées dont la consommation croît de trente à quarante pour cent par an et dont la gamme s’étend toujours. Les cafés glacés et les thés glacés gagnent également en popularité. Le marché reste donc stable, mais est redessiné en même temps.

Consigne ou recyclage ?

2018 fut l’année où un système de consigne pour les bouteilles PET fut explicitement inscrit à l’ordre du jour des débats.

« Nous ne croyons pas que la consigne soit la solution miracle pour limiter les déchets. Cela fonctionne en Allemagne, mais dans d’autres pays, le pourcentage de retours est souvent plus faible que dans notre système de sacs bleus. Le consommateur suppose également à tort qu’une consigne ne lui coûtera rien. Il peut récupérer la consigne, mais il ressentira, malgré tout, les coûts liés à la mise en œuvre du système. Le prix plus élevé conduit inévitablement à une augmentation des achats frontaliers, ce qui entraîne immédiatement une préoccupation supplémentaire : que faites-vous des bouteilles que les consommateurs achètent à l’étranger ? si ces vidanges aboutissent dans  » notre  » sac bleu, elles échappent à notre taxe d’emballage, aux droits d’accise et aux consignes, tandis que nous nous occupons du recyclage, même si celui-ci n’est plus financé.

Quelle alternative le secteur propose-t-il ?

« Avec Fost Plus, le secteur finance le système de collecte sélective et de recyclage le plus efficace d’Europe. Nous croyons qu’il y a besoin de l’approfondir et l’affiner davantage, plutôt que d’introduire un nouveau système de consigne coûteux, dont les chances de succès n’ont pas été prouvées. Les possibilités d’amélioration du système actuel se situent, entre autres, sur le marché hors domicile. Le Belge est un trieur parfait à la maison, mais qu’il soit forcé ou non de le faire, il pèche en déplacement. Une solution consiste à équiper davantage d’espaces publics de sacs bleus, comme c’est déjà le cas dans les grandes gares par exemple. N’oublions pas non plus que les ambitions des deux côtés de la frontière linguistique sont élevées. Le plan d’emballage du côté flamand vise à collecter et recycler quatre-vingt-dix pour cent des emballages de boissons d’ici 2022. Nous devons donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour stopper le plastique dans l’environnement de toute façon. Par le biais de Fost Plus, le secteur se concentre également sur le financement de Mooimakers et Be WaPP, les initiatives flamande et wallonne contre les déchets et les décharges illégales. C’est aussi là que naissent les grandes initiatives.

Texte Kurt Deman (Bureau 44)

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