Le soja belge, une idée qui germe

Une centaine d’hectares de soja ont été plantés en Belgique. Mais la culture de la légumineuse n’est pas encore rentable. Il s’agit de trouver des variétés adaptées au climat. L’agriculteur flamand Simon Colembie a cultivé du soja pour Colruyt, mais son rendement n’est pas encore optimal : 2,5 tonnes par hectares après tri.

Le groupe Colruyt a annoncé la semaine dernière le lancement de burgers et tapenades à partir de soja cultivé en Belgique, en association avec l’agriculteur bio Simon Colembie, le producteur de produits veggie La Vie est belle et deux institutions scientifiques flamandes. Du soja belge ? L’idée fait son petit bonhomme de chemin auprès des agriculteurs flamands et wallons, ainsi que dans les laboratoires agronomiques qui cherchent les variétés les plus adaptées à notre climat

« La culture du soja en Belgique n’est pas encore vraiment courante : une centaine d’hectares, dont un peu plus d’un tiers en Wallonie, estime Christine Cartrysse, ingénieure agronome à l’ASBL Appo, qui encadre les producteurs wallons de protéagineux et d’oléagineux. C’est une plante qui a besoin de beaucoup de chaleur et d’eau et qui est très sensible aux températures négatives. Il faut donc sélectionner des variétés précoces dont la période de végétation est courte. »

Un avis que partage Bernard Bodson, professeur d’agronomie à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège) : « La culture du soja n’est pas encore possible à grande échelle chez nous et ne convient pas parfaitement au climat belge. L’an dernier, l’été a été chaud et la récolte a été bonne, mais on n’est jamais à l’abri de températures plus fraîches. Surtout en septembre, en fin de végétation : si l’automne est humide, ce ne sera pas optimal. »

Peu ou pas d’engrais

« La culture du soja en Belgique se fait encore à petite échelle et s’apparente vraiment à un travail de pionnier, confirme Jo Ghilain, business unit manager de Bio-Planet, filiale du groupe Colruyt. Mais nous croyons à son potentiel, qui est énorme. »

Pour l’heure, le défi majeur est celui de la rentabilité. Une étude de l’institut de recherche en agriculture Ilvo pointe que le rendement actuel d’environ trois tonnes par hectare représente 500 € par tonne à la revente, un seuil de rentabilité peu élevé pour la plupart des agriculteurs, mais qu’à terme, ils pourraient espérer 4,5 tonnes/ha, une culture qui deviendrait rentable pour 60 % d’entre eux.

« En cultivant du soja en Belgique, nous dépendons moins du soja importé du Canada, de France, d’Italie ou d’Europe de l’Est, appuie Joke Pannecoucque, experte de la légumineuse pour Ilvo, qui a collaboré avec Colruyt et Simon Colembie. De plus, le soja est en soi une culture respectueuse de l’environnement puisque la plante régule son propre apport en azote et nécessite donc très peu d’engrais, voire pas du tout. »

Croissance à deux chiffres

On comprend mieux le potentiel du soja cultivé sous nos latitudes quand on sait que l’UE importe, chaque année, environ 14 millions de tonnes de graines de soja. Si l’alimentation animale demeure le principal débouché (93 %) de ces produits, un rapport présenté l’an dernier par la Commission européenne montre qu’avec la recherche accrue de substituts à la viande et aux produits laitiers, le marché des protéines végétales destinées à l’alimentation humaine connaît actuellement une croissance à deux chiffres. La production de soja en Europe ne fait d’ailleurs que croître : la surface consacrée au soja dans l’UE a doublé, atteignant près d’un million d’hectares depuis 2013.

Pour Ricardo Pacico, responsable marketing de la firme agricole Wal.Agri, filiale du groupe Aveve, il s’agit de « développer de nouvelles cultures dans les créneaux du food (la nourriture humaine), plus valorisés dans les marchés que le feed (pour le bétail). » La firme, qui a développé un partenariat avec Alpro, cherche à développer la culture du soja en Belgique : « Avoir une production locale garantie sans OGM répond aux attentes du consommateur. » Mais ici aussi, la question de la rentabilité se pose encore : « Tant que les rendements ne sont pas suffisants (au moins 4 tonnes/ha), on va préférer stabiliser le marché que le développer à outrance. »

Source: Le Soir

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