
« Le cru 2018 est exceptionnel », sourit Pierre Rion, président de l’association des vignerons de Wallonie. Avec 1,32 million de bouteilles produites cette année, selon ses dernières estimations, le vin wallon a décidément le vent en poupe.
En effet, il s’agit-là d’un boom d’au moins 80% par rapport à la production de l’année passée, et de quelque 40% par rapport au précédent record, établi en 2015. Ce qui explique d’ailleurs que les chiffres arrivent si tard: les vendanges se sont prolongées jusque tard courant du mois d’octobre.
En cause de cette performance pour le moins remarquable, notamment, des conditions météo particulièrement propices, couplées à une hausse de la superficie actuellement en production (environ 148 hectares).
La qualité
Voilà pour la quantité. Mais quid de la qualité? « Elle au sommet, tant au niveau du sucre que de l’acidité et de la maturité phénolique », souligne Pierre Rion, dont le Domaine de Mellemont a dépassé, en une année, les productions de 2015 et 2017… mises ensemble, avec quelque 40.200 bouteilles.
Domaines à 200.000 bouteilles
Revers de la médaille, par contre, « une dérogation devra désormais être introduite auprès du ministre Collin (en charge de l’Agriculture, NDLR) pour pouvoir bénéficier des appellations ». En effet, « nous sommes de manière générale à plus de 60 hectolitres par hectare en moyenne, ce qui est au-delà des normes fixées par décret, notamment en ce qui concerne l’AOP de vin wallon ». Pour le président, « cette demande de dérogation est légitime dans la mesure où les conditions climatiques exceptionnelles ont permis de produire de la quantité sans que ce ne soit au détriment de la qualité ».
En tête de gondole, le Chant d’Eole, les Agaises, le Ry d’Argent, le Chenoy, Bioul, Bon Baron et Vin de Liège. Si leurs chiffres précis pour 2018 sont tenus secrets, les dernières valeurs rendues publiques par l’association des viticulteurs font état de plus de 100.000 bouteilles pour ces domaines. « Alors tout cela n’a pas changé, sauf que les plus de 100.000 flirtent désormais dans certains cas avec les 200.000 bouteilles », précise tout de même Pierre Rion.
Et ce, sans parler du mousseux qui représente à lui seul « deux tiers de la production wallonne environ », évoque le président. Avec pour figure de proue les célèbres cuvées Ruffus, du vignoble des Agaises. Nichée dans la commune d’Estinnes (Hainaut), près de Binche, cette méthode champenoise, forte de 230.000 pieds de chardonnay répartis sur 23 hectares, est née de l’association du négociant en vin Raymond Leroy, de l’agriculteur Etienne Delbeke, du vigneron champenois Thierry Gobillard et des deux entrepreneurs Michel Wanty et Joël Hugé.
Les cinq mouvements
Le vin wallon contemporain se résume en « cinq mouvements », pour Pierre Rion. Tout d’abord, les « folkloriques », soit « ceux qui ont planté de la vigne après la guerre, avec Charles Henry à Seraing et Charles Legot à Huy ».
Suivent alors les « pionniers », avec le Domaine de Mellemont (Brabant wallon) en 1993, puis les « professionnels », 7-8 ans après, avec Ruffus (Les Agaises) de la famille Leroy, Philippe Grafé (Domaine du Chenoy) et Jean-François Baele (Domaine du Ry d’Argent).
Arrivent alors les « investisseurs », incarnés par le Château de Bioul (famille Vaxelaire), le Domaine du Chant d’Éole à Quévy-le-Grand (Hainaut), Vin de Liège, le Château de La Mazelle (famille de Radzitzky d’Ostrowick) à Beaumont (Hainaut).
Enfin, l’on retrouve les « grandes familles », avec le Domaine de la Falize (famille de Mévius) près de Namur, et le Château de Bousval (Verhaeghe de Naeyer) en Brabant wallon.
Flandre moins propice
Il en va d’un acteur pour le moins incontournable qui « plante encore maintenant« , évoque notre interlocuteur.
En fait, en plus de conditions particulièrement propices, il convient de souligner un mouvement de fond qui a permis d’atteindre le record de cette année: de nouveaux acteurs ont investi le monde du vin, entre 2013 et 2015, avec de gros moyens. Ils ont alors planté des surfaces qui viennent maintenant en production. C’est le cas du vignoble du Château de Bousval (de Michel Verhaeghe de Naeyer, NDLR) ou du Domaine de la Falize (de la famille de Mévius, NDLR), par exemple.
Une tendance qui devrait se poursuivre, portée par de plus petits acteurs aussi, car « il n’y a pas deux semaines qui passent sans que j’entende parler de nouveaux vignobles. Dans mon village, il y a encore un agriculteur qui va planter deux hectares », indique Pierre Rion. Avant de résumer: « Il y a clairement une spirale d’emballement aujourd’hui. »
Et, une fois n’est pas coutume, la Wallonie devance, dans le domaine viticole, son voisin du nord. « Si nos amis flamands nous devançaient par le passé en termes de parcelles professionnelles, avec les appellations pour lesquelles ils sont venus les premiers, nous avons aujourd’hui chez nous des surfaces plus grandes, de par les poids lourds du marché. »
Ce qui débouche sur une situation cocasse: « Le nombre de bouteilles produites est l’inverse de la population belge. 60% de la production vient de Wallonie, pour 40% de Flandre. » Ce qui tient à la surface. « Ils n’ont pas autant de terrain, ni le même terroir calcaire (sur lequel le mousseux se comporte très bien, NDLR) d’ailleurs. »
Simon Souris,
Journaliste
Source: L’EchoAvec 1,32 million de bouteilles, le vin wallon bat tous les records
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